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Full text of "Deïdamia: comédie héroïque en trois actes"

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IfovsaJIt or 

Vmm^cf 

Màigm 



Mûries. 



1 ȕ 7 




▲ mriS SCIENTIA VI&lTAt 






THEODORE DK BANVILLE 



DEÏDAMIA 



COMÉDIE UbROÏQVK EN TROIS ACTES 

8*8 ' 




PARIS 

ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR 



IjRIVnsin OF MICHIGHN nBRRRŒS 



4 






DEIDAMIA 



RtpttKnlie pour li première faii 1 Pirii lut te thtiat Je l'CMtea. 




COMEDIES 



DE 



THEODORE DE BANVILLE 



Le Beau Léandre. 

Diane au Bois. 

Les Fourberies de Narine. 

La Pomme.. 

Grinooire. 

Florise. (Non représentée.) 

DeÏdamia. 



Le Feuilleton d'Aristophane. 
Le Cousin du Roi. 

En collaboration avec Puiioxënb Boyer. 



En préparation : 
Socrate et sa Femme. 



PARIS. - Impr. J. CLATE. - A. QUASTDI et C*. rue S^IUnolt. 



THEODORE DE BANVILLE 



DEIDAMIA 

COMÉDIE HÉROÏQUE EN VrOIS ACTES 




PA R I S 
ALPHONSK LtMERRt, ÉDITKLH 



( 



^4$ 

37Prle. LES ACTEURS 



ACHILXE. 

DEiDAMIA. 

THÉTIS. 

ULYSSE. 

LYCOMEOE. 

DIOMEOE. 

THOÉ. 

ZEUXO. 

PERSEIS. 



m"* Rou'ssbil. 

M"«V0L8Y. 

M'^*' Gravier. 

M. MONVAL. 

M. Talibn. 

M. Si GARD.. 

M^l* Rambert. 

M"*CHéRO!l. 
M"«FA8 8Y. 



Des NéRéÏDBs. 

Une Iictbitdantb bt des Sbrtamtbs 

DB LTCOMèDB. 

Des Compagnons d'Ulysse. 



Direction de M. FiLix du Qubsnel : 

Mise en scène de M. EuciNB Bomoois, 

Musique de M. J. Crbssommois, décors de M. Zara, 

Costumes dessinés par M. Trouas, 

Eiécutés pAr li. Bartucbbc et M'I» Alixs, 

Armes de M. Cbartibr, joyAux de M. Gr4)(gbr. 



■n-^r 



"l.S.ia-l'Pa 




DEIDAMIA 



ACTE PREMIER. 

Il iHr Egée. — Au rond, Il mcT tnniguiUc, lu dcll ie Uqucllc 

t« uni Uigî grolK, diDi Iti^uïlle on ennt par li rivage, Cl dont 
le fonJ. pcrt* * jour, >'ou»« «ur une gileric ulurcllc fui cit «nt*ï 
ac perdre sous Ici flols. — thi mtae cAlé, el plut préi du spcc- 
uteur, i^tlivc un «uieL -^ A drni» du spccuicur, U nuUon du rai 
LycomUe, luriDontéï d'une icrrute aâkt d'irbnt ci de fleun, et 
à liquelle donne ucii un pfritlyle dttecU, 1 colsnnei. De*ut la 

de pierre. — Ealrc la lUdiHn «l la met, on voit le commeacemeal 
praticable d'une large avenue bordic d'olivieri, de grcn^icri et de 

Au lever du rideau, Achille, cnloutt par Tb«Ii> et par dei Nitildci, 



SCENE PREMIERE. 
THÉTIS, ACHILLE Jabordeud. 



TK^TIS, auiHtr^idci. 

Oui, celui qui dort là de ce sommeil iranquille, 
C'est mon enfant aux pieds légers, c'est mon Achille. 



3 DEtDAMIA. 

Et moi, déesse, moi Thétis, j'ai sous les flots 

Ainsi qu'une mortelle exhalé des sanglots , 

Car les chefs Achéens, tous affamés de Troie, 

Guettent ce fils, mon seul trésor, comme une proie. 

Néréides ! tout menace mes amours, 

Car Ilios au front environné de tours, 

— C'est l'arrêt du Destin, sur son trône immobile, — 

Ne tombera jamais que par le bras d'Achille ; 

Et lui-même, ce fils adoré, mon seul bien. 

Baignera de son sang le rivage Troïen. 

Mais du moins, s'il devra mourir pour leur défense, 

II vit, tant que je puis dérober son enfance 

Aux Danaens, du meurtre et du pillage épris. 

O filles de Doris, mes sœurs! enfin j'appris 

Quel sort le menaçait, tandis que pour l'instruire 

Aux durs combats, le fils monstrueux de Philyre 

Lui montrait, l'excitant de sa puissante voix, 

A poursuivre les loups et les ours dans les bois. 

Acharnée à sauver mon fils, en ma folie, 

J'ai couru vers les monts de l'âpre Thessalie ; 

Dans la caverne ouverte au flanc du Pélion, 

Je l'ai retrouvé, fier comme un jeune lion; 

Je l'ai repris par ruse au fidèle Centaure ; 

L'ayant endormi, sur la mer au flot sonore 

Je l'ai, dans ime barque, amené jusqu'ici. 




ACTE 1, SCENE I. , 

Mon enfant ne s'est pas éveillé : le voici 
A Scyros, où déjà son renom le précède, 
Et devant la maison du vieux roi Lycomède, 
Cachée en ces jardins où le laurier fleurit, 

A » mamcm, Achil'e l'jviille, et Icvéà demi, um jirc vu Je Tïf lis 
Cl lUi HhiUa, i.-ouie 1» pirolet U u aire, mt curiosili •l'ibard, 
puis tvK une ïfnpdtïeiKC iodigiUe. — Tb£Ui continue : 

Or, voici quel projet est né dans mon esprit. 

Lycoméde, privé d'une épouse qu'il pleure, 

A des filles, orgueil charmant de sa demeure. 

Je veux que mon Achille, à cette heure endormi. 

Caché sous les habits d'une vierge parmi 

Ces princesses, grandisse et vive au milieu d'elles. 

Cependant vous serez à mon secret fidèles; 

Ainsi j'éviterai les embûches du sort. 

Que plus tard, aS'rontani les Kéres de la mort. 

Suivant Ares tueur de guerriers, dans la plaiae, 

II tombe pour venger la querelle d'Hélène, 

Ayant d'un rouge sang teint l'affreux Simoïs I 

Il pourra de la sorte, éiant mon divin fils. 

Destructeur d'ilios, périr l'âme ravie : 

Car j'entends protéger sa gloire, et non sa vie. 

Q'on me le prenne alors! mais jusquc-li je veux 

Cacher mon fils, mon cher Achille aux beaux)cheveux, 

Et savourer du moins ce bonheur éphémère 

De protéger sa chère enfance! 



DEIDAMIA. 
ACHILLE. 

Eh! quoi, ma mare! 
Dis-m cela t 

Sur un signe de Thttii, Ifl ViriUlt enireat dim 1. gtolte cl iliipi- 



SCENE II. 
THÉTIS, ACHILLE. 

ACHILLE, continuini. 

Quoi donc ! moi dont les premiers jeux 
Furent de terrasser, dans les antres neigeux, 
Des louves, et qui fus instruit par le centaure 
A taire voir mes bras tout sanglants à l'aurore \ 
Moi qui perçais les ours de mes flèches d'airain! 
Moi qui sous le grand ciel redoutable et serein , 
Dans mes deux mains d'entant encor toutes petites 
Emportais, pour jouer, les maisons des Lapithes, 
Et qui pour rafraîchir mes yeux jamais lassés, 
Baignais mon large Iront dans les fleuves glacés, 
Je me résoudrais, moi que le carnage affame, 
A porter lâchement des parures de femme ! 
Héros, je descendrais à des calculs si bas ! 
Tu me veux, disais-tu, garder pour les combats? 
Une telle prudence, à Reine, est trop subtile. 



ACTE I, SCENK 11. 

E[ ne conviendraic pas à la mère d'Achille. 
Que, porianc la cuirasse ec le casque mouvant, 
Je succombe avec Troie, ou meure auparavant, 
La mort, dont j'attendrai la blessure inconnue, 
Dès qu'elle paraîtra, sera la bien venue. 
Le laboureur obscur peut fuir ses sombres yeux ; 
Mais les jeunes héros de la race des Dieux 
Doivent, comme au devant d'une amante fidèle. 
Situe qu'elle apparaît, courir au devant d'elle. 
Leur sang impaiieni, fait pour couler à flots 
Délivré par l'épée ou les lourds javelots, 
£[ qui ne connaît pas l'ennui des terreurs vaines, 
S'indigne d'être obscur et caché dans leurs veines; 
Et lui-même, cherclunt partout le coup mortel, 
Il veut montrer sa pourpre à la clarté du ciel ! 
Ainsi, ne cède pas à ta douleur stérile. 
Et laisse-moi combattre et vivre. 



O mon Achille! 
Obéis à ta mère. O mes seules amours. 
Qu'importe que lu sois ignoré quelques jours ! 
Zeus lui-même, jadis, parmi les chasseresses 
Prit les traits d'une vierge errante aux longues tresses ! 
Obéis maintenant I Bientôt, semant l'effroi, 



OEIDAMIA. 



Tu combattras parmi les hommes, comme un roi ; 
Mais laisse auparavant, quittant leurs territoires, 
Les princes Achéens assembler leurs nefs noires. 
Et laisse-moi, touché par mes ennuis secrets, 
Cacher ta chère tête ! 

ACHILLE. 

Et quand je le voudrais. 
Crois-tu donc que bientôt mes fureurs dans cette île 
Ne révéleraient pas le sang bouillant d'Achille ? 
Change mes vêtements : pare-moi, si tu veux, 
Et mets des joyaux d'or jusque dans mes cheveux : 
Mère, je meurtrirais les mains des jeunes filles ! 
Crois-tudonc que mes doigts, mal faits pour les aiguilles. 
Respecteraient, malgré tes discours mensongers. 
Les agiles fuseaux et les thyrses légers. 
Et que j'éviterais, fileuse sans mémoire, 
D'émietter en morceaux les quenouilles d'ivoire ! 
Mère, je ne suis bon qu'à lutter, comme un roi, 
Au sein de la bataille implacable. 

THÉTIS. 

Tais-toi ! 
Regarde. 

A ce moment, Deïdamia, Thoé, Zcuxo et Perséis sortent de U maison 
de Lycomède et traversent lentement la scène. — Deïdamia marche la 
première; ses sœurs portent des fleurs et des gâteaux de miel. Elles 
vont déposer ces offrandes sur Tautel, devant lequel elles se prosternent, 
tandis que Deïdamia, élevant ses bras, semble invoquer les Dieux. 



ACTE I, SCENE III. 



SCENE III. 

THÉTIS, ACHILLE, DEIDAMIA, THOÉ, 
ZEUXO, PERSÉIS. 

ACHILLE, regardant DeTdamia. 

Dieux ! Quelle esc cette vierge si belle ? 
Telle, faisane éclore à ses pieds l'asphodèle, 
Parut Cypris, et telle en nos bois Artémis 
Accourt d'un pas léger. 

THÉTIS. 

Regarde-la, mon fils ! 

A part. 

Et toi, tyran des dieux, Amour, viens à mon aide ! 

Haut, i Achille. 

C'est Deïdamia, fille de Lycomède. 

ACHILLE, extasié. 

Ah ! dis plutôt qu'elle est l'astre délicieux 
Qui fait pâlir les traits du soleil dans les cieux ! 
Dis qu'elle est la déesse adorable aux longs voiles 
Que suivent chastement les chœurs dansants d'étoiles. 
Et dont la Nuit en pleurs caresse les cheveux! 
Ou plutôt dis qu'elle est ma vie, et si tu veux 
Que ma misère trouve en ton âme un asile, 



8 DEIDAMIA. 



Dis-moi qu'elle est Tépouse et Tamante d'Achille ! 
Ma mère, dis cela, car le brûlant désir 
S'abattant sur mon cœur^ est venu le saisir. 
Depuis que mon regard altéré la contemple ! 
Deïdamia ! Dieux ! 



DEIDAMIA, k ses soeurs. 

Mes sœurs, allons au temple 



De Pallas. 



De nouveau les Princesses traversent lentement la scène, puis di^a- 
raissent par Tavenue qui touche k la maison de Lycomède, toujours 
suivTes par les yeux de Tbétis et d'Achille, qui les regardent encore 
après que le spectateur les a perdues de vue. 

THÉTIS, i Achille. 

O mon cher enfant ! 

ACHILLE, les yeux tournés vers Deïdamia. 

Je ne veux rien 
Que Deïdamia. Non, plus rien qu'elle! 

THÉTIS, vite, et d'un ton persuasif. 

Eh! bien, 
Fais ce que je voulais, entre dans sa demeure ! 
Inconnu, tu vivras auprès d'elle à toute heure. 
Et tu pourras la voir sans cesse. 

Thétts, poursuivant son projet de déguiser Achille en jeune fille, pro- 
fite du trouble où ses paroles ont jeté Achille, et se hâte de dénouer les 
liens qui relèvent sa tunique, de façon que tombant alors jusqu*& ses 
pieds, cette tunique semble être un vêtement de femme. 



ACTE I, SCÈNE III. 



ACHILLE, 4 Thctis. 

Que fais- tu? 

THÉTIS. 

Rien. J'allonge ces plis. Vois, n*es-cu pas vêtu 
Comme elle? 

Thétis dénoue les cheveux relevés sur le front d'Achille, qui alors 
ruissellent sur son cou et sur ses épaules. 

ACHILLE. 

Que fais-tu ma mère? 



THÉTIS. 



Je délivre 



Tes cheveux ruisselants. 



ACHILLE, tout k sa pensée. 

Être près d'elle ! y vivre ! 

THÉTIS. 

Maintenant, le manteau. 

Elle ôte son manteau, qu'elle met k Achille, et dont elle dispose 
gracieusement les plis sur son épaule. 

ACHILLE. 

Mais... 

THÉTIS, enveloppant Achille de son regard. 

Sans cesse, mon fils, 



lO 



DEIOAMIÂ. 



Comme le pâtre admire une touffe de lys, 

Tes yeux s'enivreront de sa blancheur sans tache ! 



Vivre près d'elle ! 



ACHILLE. 



THÉTIS. 



Viens, que sur ton bras j'attache 
Ce bracelet. 

Elle ôte son bracelet, et rattache au bras d* Achille. 
ACHILLE, toujours en proie k son rêve. 

Ses yeux ! quoi ! je pourrais encor 
Les revoir ! 

THÉTIS, ôtant le collier qui pare son cou. 

A ton COU ce collier de fleurs d'or. 

ACHILLE, au moment où Deîdaraia disparaît. 
Avec un cri de douleur. 



O mère, elle s'enfuit ! 



THÉTIS. 



Qu'importe ! si tu restes ! 

ACHILLE, abattu. 

Elle emporte ma vie en ses regards célestes ! 

A ce moment, les Princesses sont tout k fait hors de la portée du 
regard, et, en même temps, le déguisement d* Achille en jeune fille, qui 
s'est fait sous les yeux du spectateur, est complètement achevé. — Pro- 
fitant de son abattement, comme elle profitait tout k l'heure de son 
exalution, Thétis ardemment, rapidement, et sans le laisser respirer, 
continue k tâcher de l'entraîner dans le projet qu'elle caresse. 



ACTE I, SCÈNE IV. 



II 



SCÈNE IV. 
TH^TIS, ACHILLE. 

THÊTIS , admirant le déguisement d'Achille. 

Certes, ainsi vêtu, mon Achille, on croirait 
Voir une chasseresse errante en sa forêt, 

Ou, la lèvre pareille à la grenade mûre, 

Quelque jeune amazone ayant quitté Tarmure. 

Ecoute maintenant. 

Marchant devant lui pour lui enseigner les poses et la démarche d*une 
jeune fille. 

Il faut marcher ainsi 
Timidement, voiler ton regard adouci. 

ACHILLE, avec une dernière velléité de résistance. 

Ma mère!... 

THÉTIS. 

Ne dis rien. Calme un peu ton délire. 
Laisse éclater en paix la fleur de ton sourire. 
Ne sois plus l'intrépide et fier Achille; sois 
Une jeune princesse à la charmante voix. 
Oui, mon enfant, il faut sous ta belle parure 
Voiler ton large front avec ta chevelure; 
Mais, je le jure, aussi tu seras bien payé 



D'avoir eu pour m mère un instant de pitié. 
Plus tard, bieniûc, mon fils, eu trouveras ta proie, 
Le Xante ensanglanté, les champs fumants de Troie 
Et tous les Phrygiens se hiiant vers ses murs! 
Sur leurs frères fauchés comme des épis mûrs, 
Devant ta claire épée ils fuiront comme un rêve, 
Et le cruel Hector, dont le front haut s'élève 
Comme un chêne que nul ouragan ne ploya, 
Tombera sous tes coups. 



temple de Pu] lis pu l'ai 



deYdamia, thoe, zeuxo, perséis, 
lycomède. 



LYCOMEDE, 

Mes filles, — 



D£IDAMIA. 

Seigneur, — 



ACTE I, SCENE V. ij 

LYCOMÈDE. 

O mes filles chéries ! 
Vous faites bien, laissant les parures fleuries, 
De prosterner vos fronts pour supplier les Dieux, 
Car le temps est venu des combats furieux, 
Et le grand cri d'Hellas, dans sa gloire outragée, 
Epouvante déjà toute la mer Egée. 
L'âge a glacé mon sang. A peine puis-je encor 
Dans ma tremblante main tenir le sceptre d^or : 
Mais, pour vous protéger, vieux lion tutélaire, 
Je saurai, s'il le faut, réveiller ma colère. 

La mer s'agite doucement, et on entend monter des flots comme un 
bruit de voix et de lyres. 

Cependant, écoutez! 

THOÉ. 

La mer, la vaste mer 
A tressailli. 

PERSÉIS. 

Des voix montent du gouffre amer. 

ZEUXO. 

Le flot, dont quelque charme apaise les délires, 
Frémit. 

PERSÉIS. 

C'est comme un bruit de flûtes et de lyres. 



H DEIDAHIA. 

THOË. 

Et dans l'air embrasé de feux brille une iris. 

zeuxo. 
O mes sœurs ! 

PER.SÉIS 

Qu'ai-je vu f 

Tbtxit piriii, teunt pjc U min AcbilLe loujoun iigaai en \ 
au. Cl l'inBH vers Ljcomèdc. 

LrCOMSDS. 

La d&sse Thécis! 

Lfconiil: «t luGlIti l'inclinent et K proiHnienl itrtat 1i dj 
ivcc une Kipeciuense épouvime. 



OEÏDAMIA, THOÉ, ZEUXO, PERSÉIS, 
LYCOMÈDE, THÉTIS, ACHILI.E. 

THfiTIS, 

Roi, je ['amène Iphis, la sœur de mon Achille. 
Des Nymphes l'élevaient jusqu'à ce jour, dans l'Ile 
D'Icos, mais quand sévit la guerre afireuse, ô Roi, 
Je lui donne un plus sûr asile prés de toi. 



ACTE I, SCÈNE VI. ij 

Vois ses yeux ! Vois son air indomptable et sauvage ! 
N'esc-cc pas bien l'aspecc farouche, et le visage 
De son frère ? Voilà pourquoi je craindrai moins 
Pour elle, après l'avoir confiée à ces soins. 
Toujours en sa fureur guerrière, dès l'aurore, 
Iphis veut porter l'arc et le carquois sonore, 
Et, comme l'amazone, en son dédain jaloux 
Se refuse à marcher sous le joug d'un époux. 
Mais dompte cette ardeur à mes désirs contraire. 
Car c'est assez que j'aie à craindre pour son frère. 
Qu'elle vive les jours de sa jeune saison 
Parmi tes filles, sous tes yeux, dans ta maison, 
Et qu'elle porte, au lieu des armes abhorrées. 
Les corbeilles, les fleurs et les choses sacrées. 
Qu'elle ne coure pas dans les noires forées ! 
Et surtout, car plus tard tu te repentirais. 
Défends-lui d'approcher du port et du rivage. 
Déjà bien des vaisseaux, apportant le ravage 
Dans quelque tle paisible, ont parcouru ces mers. 
Ne nous expose pas à des regrets amers. 
Et mon cœur bénira ton auguste vieillesse 
Si tu me rends un jour cette enfant. 

LYCOMÈDE. 

O Déesse! 
Tes yeux ont honoré mon front devenu blanc. 



Puisque eu m'as choisi pour veiller sur ton sang. 
Viennent les Phrygieos et, maiire de cette île, 
Je saurai procégcr la jeune sœur d'Achille, 
Ou mourir. 

TH É T I s , tiendim » nuio tur l> li» d'AehiUe, 

Adieu, toi que bercèrent mes bras! 
Toi, mon trésor! 

ACHILLE 

Ma mère! 



Et tu m'obéiras? 



ACHILLE. 



Oui. 

Regirdint Dcldimit avec m 

Sans regret ! 



Ainsi, demeure au milieu d'elles, 

LYCOMÈDB. 

Et mes filles seront ses jeunes sœurs fidèles. 
O Déesse ! retourne en paix sous ton flot bleu. 



ACTE I, SCENE VI. 



THÉTiS. 



C'esc bien, Roi. Je me fie à ta promesse. Adieu. 

Lyfomidc « ui fillii u pToiIcniEiit d«TUI Thdii, unitii qu'Achl 

(omme Ji regret, puii rimlliDeol, tl iravftH 11 gwitïOUïtne m 
AOM, en ultcliinl ie la nain II Hin Gli un dernier idlen. 



DEÏDAMIA, THOÉ, ZEUXO, PERSÉIS, 
LYCOMÈDE, ACHILLE. 



DSÏDAMIA, but LycomUe. 

Que cette sœur d'Achille a de beaux yeux ! Je cremble 
En la regardant. Si son frère lui ressemble 
I^n elfec, qu'elle aura des jours charmants et doux, 
La vierge qui pourra le nommer soa fpoux ! 



Iphis ! 



PERSËIS, iKinuci. 

Mes sœurs, elle a le port d'une guerriôrc. 



Tout à fait. 



THOÉ, i A;bmi. 

L'arc en main courir dans la clairière 
Parmi les rocs, livrer ton visage à l'affronc 
De l'âpre vent d'hiver qui te rougit le front, . 
C'esc donc un passe-temps bien doux ? 

PERSÉIS, lAchills. 

Pas de réponse ? 

ZEUXO, 

Et livrer tes bras nus aux griffes de la ronce 
Te ravit ? 

THOÉ. 

Et meurtrir parmi les pics neigeux 
Tes pieds blancs } 

ZEUXO. 

Nous pourrons t'enseigner d'autres jeux. 

PERSËIS. 

Comme nous tu tiendras, Iphis, une quenouille. 

THOÉ. 

Et garde que la laine en filant ne s'embrouille. 

Z£UXO, 

Tu pourras, sous tes doigts mariant les couleurs, 
Tisser une tunique où vivent mille fleurs. 



ACTE I, SCENE Vil. 



Nous savons des chansons que m n'as pas o 

PERSËIS. 

Et le soir, mariant nos danses ingénues, — 

ZEUXO. 

Loin de la Nympheerranceetdes Faunes moqueurs, — 

THOÉ, 

Nous tenant par la main, — 

ZEUXO. 

Nous mènerons des cliœurs 
Prés du lac où la lune en tremblant se reflète. . 



N'est-ce pas? 



yERSËIS. 

N'est-ce pas, Iphis? 

ZEUXO. 

Es-cu muette 

DEÏDAMIA, ( iBsaun. 

Taisez-vous, elle est triste et cherche le repos. 



Non pas. Les r 
Guisoleni. 



PERSEIS. 

d'or et les joyeux propos 



ZEUXO, I Achille. 



Qu' as-tu donc? Veux-cu porter la lance 
Comme ud chef? 

t, Attillt leiK nian. 



Ah I qu'elle a du goûi pour le silence ! 



Tu ne parles jamais? 

THOË. 

Qui donc te le défend? 

LYCOMÈDB. 

Alloiu, votre babil irrite cette enfant. 
Venez. Votre gaieté bruyante l'effarouche. 
Toi, Deïdamia, qui toujours sur u bouche 
As, ainsi qu'un trésor divin qui vient du ciel, 
La persuasion aux paroles de miel, 
Reste avec elle ; sois pour elle, je t'en prie. 
Ce qu'est la grande sœur pour une sœur chérie, 
Et lui montrant en nous, ma fille, des amis 



ACTE t, SCENE Vit. a 

Discrets, fîdélemenc à sa mère soumis, 
Tâche qu'elle consente, ainsi que je l'espire, 
A nous aimer un peu. 

DEÏDAMIA. 

Je lâcherai, mon père, 

LYCOMÈDK, bu à Dcliiisii. 

Donc, prends cecte jeune âme, ainsi qu'ua oiseleur 
Sa proie 1 



SCÈNE VIII. 
DEÏDAMIA, ACHILLE. 

DEÏDAMIA. 

Et maincenant, veux-iu? pardonne-leur. 
Iphis, mes jeunes sœurs ont des câces frivoles, 
Mais ne te souviens pas de leurs vaines paroles. 
Sois bonne. Je sais bien qu'elles n'auraient pas dû 
Te quereller ainsi. 

ACHILLE. 

Je n'ai pas entendu 



DKl DAMI A. 



Ce qu'elles disaient ! car de leurs lèvres vermeilles 
Tandis que s'enfuyaient ces murmures d'abeilles, 
Comme de gais oiseaux voltigent sans effroi, 
O Déidamia, je ne voyais que toi! 
J'admirais tes yeux fiers et ta candeur insigne, 
Ton col flexible et pur comme celui d'un cygne. 
Et ces lèvres en fleur, douces quand tu le veux. 
Belle nymphe, et le lourd trésor de tes cheveux 
Qu'éparpille le vent caressant et rebelle ! 

DEIDAMIA. 

Quoi! chère âme, est-il vrai que tu me trouves belle? 

ACHILLE. 

Plus qu'Aphrodite au sein mystérieux des flots, 
De la mer amoureuse apaisant les sanglots^ 
Et brillant sous l'azur comme un astre sans voiles ! 
Plus que la Nuit au front environné d'étoiles I 

DEÏDAMIA, s*asseyant. 

Et toi, n cs-tu pas belle aussi ! Le sang divin 
Dans tes veines d'azur ne coule pas en vain, 
Et, comme le rayon qui ride l'onde obscure, 
La grâce de Thétis rit dans ta chevelure. 
Qui sur ton cou bruni déroule ses flots d'or ! 



ACTE I, SCÈNE VIII. 2| 



ACHILLE, amoureusement. 



Deïdamia ! 

DEÏDAMIA. 

Viens ici. Plus près encor. 
Je veux baiser ce fronc' de guerrière indocile, 
Iphis ! 

Achille s'agenouille devant Deîdamia qui le baise au front. 
ACHILLE se relevant. — Avec transport. 

Je ne suis pas Iphis ! Je suis Achille ! 

DEÏDAMIA. 

Dieux ! 

ACHILLE. 

Oui, je suis ce chef choisi par le destin 
Pour abactre Ilios, et qui, dès le matin 
De ma vie, entouré de mille funérailles. 
Dois tomber dans ses champs et devant ses murailles. 
Pour éloigner ce joiir qui cause son souci. 
Ma mère près de toi vint me cacher ainsi. 
Et certes j'aurais fait des choses encor pires 
Pour vivre, fût-ce un jour, dans Tair que tu respires ! 
Mais à présent que sous le ciel, pour m'embraser 
Ta rouge lèvre a mis sur mon front ce baiser. 
Je courrai vers la Mort pourprée, altéré d'elle! 



Car quel rêve aiieignanc les astres d'uD coup d'aile, 
Vaudrait pour moi l'instant céleste où dans ce lieu, 
Ta bouche avec son souffle adoré m'a fait dieu ! 
Oh! que les Lyciens, que tous les Priamides 
VientKnt, précipitant leurs pas de sang humides. 
Et que je voie autour de mon front souverain 
Le grand vol f jrieux des javelots d'airain ! 
Qu'un tas de guerriers morts devant moi s'épaississe, 
Et tombant à mon tour, que la Moire obscurcisse 
Mes yeux, dans ce tumulte et parmi ces rumeurs t 

DEÏDAMtA, difiilUoic, avec imour. 

Ne parle pas ainsi, car si tu meurs, je mears. 

ACKILLEj trinipont <lt joie. 

Qu'entends- je ! 

DEÏDAMIA. 

A l'heuremêmeoù nous nous rencontrâmes. 
Le même trait de flamme a brûlé nos deux âmes, 

ACHILLE. 

Oh ! s'il en est ainsi, vers les sanglants périls 
Je marcherai, plus fier que les Dieux, dussent-ils 
Éblouir de leurs feux mes yeux visionnaires, 
El faire sur mes pas' éclater leurs c 
Deidamia, chaste fille de roi I 



ACTE I, SCENE VIII. 



'•^S 



Je sens bondir d'amour et bouillonner vers toi, 
Dont le regard d'argent ressemble aux nuits sereines, 
Chaque goutte du sang qui frémit dans mes veines ! 

Voyant que Deîdamift s'incline, pâle et languissante. 

Mais qu'as-tu } sur tes yeux tremblants et demi-clos 
Passe un voile, ta lèvre étouffe des sanglots, 
Et fait voir, douce fleur que la pourpre déserte, 
La pâleur de la mort sur ta bouche en tr'ou verte ! 

A ce moment, Lycomède sort du palais, s*arréte 4u fond de la scène, 
et sans être vu, assiste à l'entretien de Deîdamia et d'Achille. 

DEÏDAMIA^ avec mélancolie. 

Heureux les époux rois assis dans leur maison, 
Qui voient tranquillement s'enfuir chaque saison, 
L'époux tenant son sceptre, environné de gloire, 
Et Tépouse filant sa quenouille d'ivoire ! 
Mais le jeune héros qui, le glaive à son flanc, 
Court dans le noir combat, les mains teintes de sang, 
Laisse sa femme en pleurs dans sa haute demeure. 

ACHILLE. 

Les Dieux ne voudront pas sans doute que je meure 
Si tu m'aimes ! L'amour est plus fort que la mort. 

DEÎDAMIA. 

Hélas ! rien ne prévaut contre l'arrêt du sort. 
Mais, si l'ombre déjà baigne ta chevelure 



Ec si tu dois tomber sous une floche obscure, — 

Esclave du destin qui te sacrifia, 

Laisse, laisse du moins ta Deïdamia 

Qui sera veuve, hélas ! avant que d'être épouse. 

Te prendre quelques jours à l'amante jalouse 

Vers laquelle tu cours au rivage Troïen ! 



Deïdamia! têie chérie! — Eh bien, 

Viens d'abord nous jeter aux genoux de ton père! 

Que sa pitié m'accueille, ainsi que je l'espère, 

Chère âme, ou qu'il me faille, errant, porter mes pas 

Loin de ton île heureuse, il ne me convient pas 

D'abuser ce héros divin par quelque ruse. 

Que sa bouche, d'ailleurs, me condamne ou m'excuse, 

II me tarde, en mon coeur, de quitter promptement 

Ces parures d'emprunt et ce déguisement. 

Allons donc sans retard, car ce souci me presse, 

Supplier le Roi ! 

LYCOMÈDE, Viiint^m, 1 Achille. 

Sage enfant d'une déesse. 
Le Roi vous entend, 

DEÏDAMIA, lomtmi lui pleJi Jg LycamMc. 

Sois secourable pour nous, 



ACTE I. SCF.NE VIII. a7 

Mon père ! Vois, j'embrasse en pleurant res genoux, 

Car ce fut pour Théiis une invincible joie 

De m'oflrir au cruel Amour, comme une proie. 

LYCOMÈDB, i Dc.'Jimii. 

Deïdamia, viens, heureuse, dans mes bras. 
Et relâve ton front ! 

A Achille. 

Achille, tu seras 
Mon fils. Donc évitons toute parole amcre. 
Car il suffit du sang illustre de ta mère 
Pour qu'à ton nom tout cède, et dans tes yeux de feu 
Eclate assez l'audace et la fierté d'un dieu. 
Cependant, obéis à ta mère divine ! 
Etouffe la fureur qui brûle ta poitrine. 
Bientôt les Danaens jaloux t'emméneroni. 
Jusque-là, que ces clairs joyaux cachent ton front, 
Car il faut que pour tous tu sois Iphis encore I 
11 est prochain, ce jour à la sanglante aurore 
Où tu reviendras pour tous Achille; mais. 
Alors tu quitteras cette île pour jamais. 

DEÏDAMIA, lïKuiiMngloi. 

Hélas t 

LYCOMÈDB, t DeldiiDii. 

Les Immortels, si ta bouche les prie, 



Éloigneront ce jour fiul. O mi chérie, 
Laisse fuir loin de toi les noirs pressentiments, 
Et nous invoquerons Zeus, ganiien des serments, 
Dont le tonnerre brille en déchirant la nue ! 
Miiis va près de tes sœurs, car leur âme ingénue 
Loin de toi s'inquiète, — et calme ton effroi, 
Puisque ton jeune époux doit marcher avec toi 

mon seuil que la mer tumultueuse effleure, 
£t, sa main dans la tienne, encrer dans ma demeure ! 



SCENE IX. 



LVCOMEDE. 

Vénérable Thétis, déesse aux beaux cheveux. 
J'ai lu dans ta pensée, ainsi que tu le veux, 
Puisque tu désiras, par ta ruse subtile, 
Que Deïdamia fut l'épouse d'Achille, 
Sur ma fille adorable ayant jeté les yeux, 
Tu veux mêler mon sang avec celui des Dieux, 
Et moi, vieillard sans fils et que l'âge terrasse, 
J'accepte cet honneur que tu fais à ma race. 
Mais que nul ne pénétre avec un air moqueur 
Le secret endormi dans le fond de mon cœur ! 



ACTE I, SCÈNE IX. 



89 



Car à quoi servirait au vieux Roi qu'on renomme 
D'avoir déjà vécu deux fois l'âge d'un homme, 
S'il parlait au hasard comme les jeunes fous, 
Celui dont cent combats ont usé les genoux. 
Et qui montre au regard des Dieux qui le protège. 
Le baiser dé THiver sur sa barbe de neige ! 

Il entre dans le palais. Le rideau tombe. 



^^/Q! 



w 



ACTE DEUXIEME. 



•Ilie lefODiuliK 11 



d'un p» djurei mîcnl pria ai s 



SCENE PREMIERE. 
DEÏDAMIA, THOE, ZEUXO, PERSÉïS. 



ZEUXO. 

Les serviteurs sonc (ous dans la maison 



Sans craindre nulle embûche ec nulle trahison, 
Nom pouvons causer là, sous la clarti; sereine. 



Ainsi parle. 




PERSÉIS. 

Dis-rtous ce qht cause ta peine. 



O mes sœurs, vous savez que de tous inconnu. 

Déguisa parmi nous, Achille est devenu 

Mon époux, et qu'enfin, gage cher et suprême 

De nocrc ardent amour, le doux Néoptoléme 

Est né, mystérieuK enfjnc, beau comme un lys. 

Certes un jour, ainsi que l'a prédit Thétis, 

Et d'avance il faut bien que mo 

Achille doit s'enfuir sur la mer g 

Alors, mes sœurs, alors sous le fouet du Destin, 

Mon époux exilé, vers un pays lointain 

S'en ira, chef terrible, en emportant ma joie, 

Tuer et puis mourir au rivage de Troie. 

Je m'y résignerai, les dieux m'en sont témoins ! 

El sans faiblir, mais â mes stEurs, je veux du moins 

Comme un vin généreux dont le feu nous enivre. 

Savourer les insunts qui me restent à vivre. 

Or voici ce qui cause à présent mon effroi r 

Ulysse est tout à l'heure arrivé près du Roi ; 

Dioméde avec lui, fendant la mer stérile, 

Est venu. J'en suis sûre. Us veulent mon Achille! 



ja 



DEIDAMIA. 



Que dis-tu? 



ZEUXO. 



DEIDAMIA. 



C'est bien lui qu'ils veulent ! mon trésor ! 
Excepté lui, qui donc peut affronter Hector, 
Chef plus impétueux que le flot du Scamandre } 



En effet. 



PERSÉIS. 



DEIDAMIA. 



Je te dis qu'ils viennent me le prendre ! 
Ils se seront doutés de son déguisement ; 
Et, comme il vaincra seul dans Ilios fumant, 
Ayant dompté Priam et détruit sa demeure, 
Ils vont me le ravir, et c'est pourquoi je pleure. 

PERSEIS, pensive. 

Ulysse et Diomède ici ! 

ZEUXO, àDcïdamia. 

Ma sœur, dis-moi, 
Ton Achille a-t-il su qu'ils sont ici ? 

DEÏDAMIA. 

Le Roi 

L'a dit devant lui. Comme un fauve en son repaire, 



Achille se caisaii. Mais siioc que mon p^re 
Fut sorci, je le vis d'un geste vif et prompt 
S'élancer. La rougeur lui montait sur le front. 
Alors, ô Perséis, comprends mon épouvante I 
Il voulait aller voir ces héros que l'on vante. 
11 voulait leur crier : < Celui que cherche Hellas 
Pour venger le divin Atride Ménélas, 
Le voici ! > Vainement je le nommais parjure, 
Et je baignais de pleurs sa belle chevelure ; 
Comme un jeune cheval qui, la colère au Danc, 
S'élance dés qu'il a senti l'odeur du sang, 
Il bondissait. < O sort cruel qui me diffames. 
Criait-il, c'est assez vieillir parmi les femmes ! > 
Puis tout i coup, prenant mon front pour le baiser. 
Il me nommait : Peureuse l et moi, pour l'apaiser, 
Je lui montrais son iils, riant comme l'aurore ! 
Enfin, il l'a promis, pour quelques jours encore 
Il se résigne à feindre; il veut bien que mes pleurs 
S'épuisent I Mais j'ai peur de ces deux oiseleurs, 
De ce fier Dioméde à l'œil fauve, et d'Ulysse, 
Qui me déchireront le cœur avec délice. 

PERSÉIS. 

Ulysse t 

THOÉ. 

On dit qu'il est rusé comme un voleur. 



u 



DEIDAMIA. 



ZEUXO. 

La persuasion sourit comme une fleur 
Sur sa lèvre. 

PERSÉIS. 

Il esc plein d'inventions subtiles. 

THOÉ. 

Il en a plus que n'ont d'épis les champs fertiles, — 

ZEUXO. 

Et sage, varié, formidable, étonnant. 

Il volerait la foudre aux mains de Zeus tonnant. 

THOÉ. 

Toujours l'ingénieux mensonge ourdît ses trames. 

PERSÉIS. 

Je le veux bien. Mais nous, mes sœurs, nous sommes femmes; 
Une chasse au filet ne peut nous faire peur, 
Et nous réussirons à tromper ce trompeur. 

DEÏDAMIA. 

Mais comment? Car il est cruellement habile. 

PERSÉIS. 

Tant mieux. Comme toujours, ton indomptable Achille, 



ACTE II, SCENE 1. 35 

Fou comme à Tordinaire, en ses emportemencs 

Laissera soupçonner son sexe à cous moments. 

Or il convient, voilà ce que je te propose, 

Que chacune de nous l'imite en toute chose. 

— J'ai raison, je le vois à vos rires malins! 

S'il a des mouvements rudes et masculins 

En dépit du peplos léger qui le décore, 

Nous en aurons qui soient plus masculins encore; 

Si bien qu'Ulysse, en quête ainsi qu'un tigre à jeua, 

Aura près de lui cinq Achilles au lieu d'un ! 

ZEUXO. 

L'ingénieuse ruse et l'excellente idée ! 

THOÉ. 

Voici mon père, Ulysse et le fils de Tydée, 
Beau comme un immortel, avec son casque d'or. 
Fuyons les rois divins. 

Les Princesses se retirent avec précaution, et en même temps entrent 
Lycomède, Ulysse et Diomide, sortant du palais. 



SCENE IL 
LYCOMÈDE, ULYSSE, DIOMEDE, 

puis des Servantes db Ltcomë:b. 
LYCOMÈDE, à ses hôtes. 

Je vous le dis encor. 



36 DEIDAMIA. 



Soyez les bienvenus, ô rois, héros fidèles ! 
Puissiez-voas, décruisanc les hautes citadelles 
D'Ilios, retourner vamqueurs dans vos maisons ! 

DIOMÈDE. 

Devant tes cheveux blancs, ô Roi, nous nous taisons, 
Car, divin conducteur d'hommes, tu fus naguères 
Sage dans les conseils et brave dans les guerres. 

LYCOMÈDE. 

Que n*ai-je Tâge encor de porter sans plier 

L'arc et les javelots et le lourd bouclier ! 

Mais la froide vieillesse est un mal sans remède. 

Avec toi, sage Ulysse, avec toi, Diomède, 

Je partirais d'ici, laissant les autres soins. 

Pour courir à Thorreur des combats ! Mais du moins. 

Je vous offre des nefs, des guerriers et des armes. 

DIOMÈDE. 

O Roi, mon hô:e, par ce discours tu nous charmes, — 

ULYSSE. 

Mais à quoi bon vouloir tromper tes yeux vainqueurs? 
Car ta sagesse est grande et tu lis dans les cœurs. 
Ton secours nous allège et nous peut être utile, — 

DIOMEDE. 

Mais surcoût nous venons ici chercher Achille I 



"JF^ 



ACTE II, SCÈNE II. 



17 



LYCOMEDE. 

Oui, je sais qu'il vous faut, par un destin jaloux, 
Trouver ce jeune chef. Mais pourquoi croyez-vous 
Qu'il soit ici ? 

DIOMÈDE, vivement. 

Par un pressentiment... 



LYCOMEDE. 



Sans cause. 



A coup sûr ! 



DIOMEDE, bas à Ulysse. 

Le vieillard rusé sait quelque chose. 



ULYSSE. 



On dit qu'il a quitté les monts Thessaliens. 



DIOMEDE. 



Quelle hospitalité le ravit } 



ULYSSE. 



L'enchaînent ? 



Quels liens 



DIOMEDE, à Lycomide. 



On Ta vu sur cette mer Egée 
Où rit ton île en fleur dans les flots verts plongée. 



3» 



DEIDAMIA. 



ULYSSE. 



Est-il à Sciathos qui produit le doux vin? 



DIOMEDE. 



Dans Cy thère, vouée à son culte divin ? 

ULYSSE. 

Dans la blonde Eurétric aux retraites ombreuses? 



DIOMEDE. 



Ou bien dans Myrtos ? 



LYCOMEDE, & Diomèac. 



Roi, les îles sont nombreuses ! 



DIOMEDE. 

Nous trouverons, parmi leurs flots échevelés, 
Cet enfant! 

LYCOMEDE. 

Cherchez-le, puisque vous le voulez. 
S'il plaît aux Immortels, dont la puissante race 
Vit sur r Olympe, alors vous trouverez sa trace. 
Mais comme cependant tout est facile aux Dieux, 
S'il leur plaît d'aveugler votre esprit et vos yeux, 
Vous pourrez voir Achille et ne pas le connaître. 



ACTE II, SCÈNE II. 
DIOMÈOE, baiàUlyuc, 

Eh bien ! devtncs-tu la ruse de ce traître? 

L'LTSSE, b«tDianit4c. 

Patience ! 

LTCOMÈDB. 

Mon or, mes guerriers et mes nefs 
Sont à vous. Recevez ces dons, illustres chefs, 
Et que Zeus tout-puissant, pour le reste vous aide ! 

UlYSSH. 

Oui, ton offre a charmé nos cœurs, ô Lycoméde, 
Et nous partirons, fiers de tes riches présents. 

tire pleig de viD, et iei coupes, iju'gllc) po»ni )UT II ubie de pien 
DIOMÈDE, iLycomtde. 

Mais tie verrons-nous pas l'espoir de tes vieux ans, 
Tes filles ? car on dit que ces jeunes princesses, 
Dont la beauté ressemble à celle des déesses, 
Ordonnent ta demeure avec un soin jaloux. 

LYCOMÈDE, 

Certes, elles verront des héros tels que vous. 
Mais faites-moi d'abord cette faveur iosigne 
De boire le doux vin récolté dans ma vigne, 



iO 



DEIDAMIA. 



En invoquant les Dieux heureux du ciel. 

Prenant une coupe. 

Zeus roi ! 

DIOMEDE, de mjme. 

Hermès ! 

LYCOMÈDE. 

Phébos dont Tare doré lance l'effroi, 
Et dont nul meurtrier n'évite la vengeance ! 

ULYSSE, de même. 

Pallas, clarté du ciel et de l'intelligence ! 

LYCOMÈDE. 

Que leur force vous garde exempts de tout souci, 
O mes chers hôtes, rois vénérés ! 

Après avoir fait les libations, LycomèJe et ses hôtes boivent le vin 
resté dans leurs coupes, puis les remettent sur la table. 

Mais voici 
Mes filles. 

Les Princesses paraisssnt et s'avancent vers leur pire, ayant au milieu 
d'elles Achille, toujours déguisé. 



SCENE III. 

LYCOMÈDE, ULYSSE, DIOMEDE, 
ACHILLE, DEÏDAMIA, 

THOÉ, ZEUXO, PERSÉIS, 

puis des Compagnons d'Ultssb. 

DIOMÈDE, apercevant les Princesses et Achille, i Lycomède. 

Clairs regards! cheveux d'or! fronts de neige! 



ACTE II, SCÈNE III. 41 

ULYSSE, bas à Dioméde. 

Allons, c'est à présent qu'il faut tendre le piège. 
Je veux que cet Achille introuvable, sUl est 
Parmi les vierges, reste aux mailles du filet. 
Mais, ami, parle-leur d'abord, je tends mes toiles. 

DIOMEDE, aux Princesses et i Achille qui se sont approchés. 

Comme on voit dans les cieux un groupe clair d'étoiles 
Illuminant le front sinistre de la Nuit, 
De môme une lueur vous précède et vous suit. 
Princesses, et vos fronts ont des clartés d'aurore. 

DEÏDAMIA. 

O rois, vos noms partout fameux, qui les ignore? 
Ulysse et Dioméde, illustres, sans rivaux, 
Encor pleins de jeunesse, ont fait mille travaux 
Dont Hellas est l'ardente et fîère spectatrice. 
La déesse aux yeux clairs, P allas dévastatrice 
Dans les combats sanglants vous mène par la main. 
Puisse-t-elle bientôt, vous ouvrant un chemin 
Vers les murs d'Ilios, en faire votre proie ! 

ULYSSE, d'un ton affligé. 

Vœux stériles! 

LYCOMÈDE. 

Comment? . 



DEIDÂMIA. 



ULYSSE. 

Dompter la grande Troie, 
Nourrice de chevaux ! Fou qui Tespire encor ! 

LYCOMÈDE) de plus en plus surpris. 

Pourquoi donc? 

ULYSSE. 

Les Troïens ont pour leur chef Hector. 



Eh bien? 



LYCOMÈDE. 



ULYSSE. 



Qui veut combattre Hector, court à sa perte. 

LYCOMEDE, indigné. 

L'ai-je bien entendu ! C'est le fils de Laërte 
Qui nous parle ainsi ! 

ULYSSE. 

Roi, comment le vaincre, lui 
Cet invincible ? Ainsi dans le ciel ébloui 
La foudre éclate, et sur les collines prochaines 
L'ouragan furieux déracine les chênes, 
Tel le farouche Hector envoie au fleuve noir 
Les guerriers et les chefs. 



ACTE II, SCÈNE III. 



43 



ACHILLE, dont la colore a grandi pendant le discours d*Ulyssc, 
et qui ne pouvant plus se contenir, éclato enfin. 

C'est ce qu'il faudra voir ! 

DEÏDAMIA) prenant Achi'.le h part. 

Souviens-toi de ce que eu m'as promis. 

ACHILLE, bas à Deîdamia. 

Chère âme, 
Je m*en souviens ! Trembler comme la Peur infâme, 
C'est facile, et j'y puis réussir aussi bien 
Que cet Ulysse au cœur de lièvre. 

deîdamia, avec tendresse . 

Ne dis rien ! 

ULYSSE, continuant U conversation précédente. 

Qui peut dompter l'éclair et défier l'orage ? 

ACHILLE, avec une ironie méprisante. 

Ce n'est pas la colombe, à coup sûr ! 

ULYSSE, basi Diomcdc. — Lui montrant Achille. 

Vois sa rage. 
Cher Diomède. Achille est dans ma main. Je l'ai. 



Contiens-toi. 



DEIDAMIA, bas k Achille 



ACHILLE, uni IVntcDdrc. A Uljiu. 

Pour un roi, eu n'as pas bien parlé. 
Que cet Hector, suivi de cous les Priamides, 
Effraie au bois les cerfs et les lièvres ctmîdcs, 
El les rois trop prudents aussi, je le veux bien ! 
Mais, qui sait ? on peut voir un héros Argien 
Qui, pour forcer Hector à garder le silence, 
Saura dans le combat le frapper de sa lance, 
Ou qui le percera de son dur javelot, 
Si bien qu'alors peut-être, avec un long sanglot, 
Attirant les hiboux et les corbeaux funèbres, 
Son âme de héros fuira vers les ténèbres, 
Et que dans son sang noir de nos cœurs exécré 
Le sol rouge et fumant sera désaltéré 1 

Athille, dam ton iranipotl, jiùiit une coupï pleine, et ovidimc» 
vide it'iin iriii. 

ULYSSE, liM t Diomiie. 

Vois comme cette vierge, en sa fureur virile, 
A vidé cette coupe énorme. C'est Achille ! 



Attention, mes sœurs, il se trahit. 

Alors 
On verra ce vainqueur dans la foule des morts 



ACTE II, SCENE III. 



4$ 



Trainé par des chevaux ! 

Elle prend une coupe et la vide d*un trait, comme a fait AchilL*. 

THOÉ, de même. 

£t dans la fange impure 
Ses armes traîneronc avec sa chevelure ! 

Elle prend une coupe et la vide d'un trait. 

DIOMÈDE, bas à Ulysse. 

Vois donc ! Mais c'esc un autre Achille ! 

Z £ U X O , de m£mc. 

Ec sous les murs 
Ses jours seront fauchés comme des épis mûrs ! 

DIOMEDE, bas h Ulysse. 

Elle aussi ! comme Tautre, elle a vidé la coupe ! 

PERSÉIS, de même. 

Alors les chiens hideux et les corbeaux par troupe 
Viendront, et le héros, sur les cailloux grossiers, 
Servira de pâture aux oiseaux carnassiers ! 

Elle prend une coupe, la vide d*un trait et U remet sur la table. Les 
servantes de LycomêJe entrent et emportent le cratère et les coupes, en 
même temps que les compagnons d*Ulysse et de Diomède paraissent au 
fond de U scène, portant un grand cofiTre peint de couleurs brillantes. 

DIOMEDE, bas à Ulysse. 

Eh bien, quel est le sort de tes ruses subtiles } 






DEIDAMIA. 



Je m'y perds ! Nous n'avons ici que des AchUles, 
Et chaque vierge a bu le vin comme un Titan, 
Ou comme un sable d'or près du fleuve Océan 
Absorbe l'onde amére ei boii le floc humide. 



LYCOMEDE, 



à U1ï»e 



Rois, mes filles quittant leur allure timide, 
Ont parlé devant vous peut-âtre imprudemment. 

ClOMÈDB. 

L'amour du sol natal a dans leur sein charmant 
Comme un rapide orage excité ces colères. 

ULYSSE. 

Mais permets qu'à présent, sous tes yeux cuiélaires, 
Nous puissions leur offrir quelques dons, par malheur 
Indignes de l'éclat de leur jeunesse en fleur. 



LYCOMEDE, 



Faites donc. 



ULYSSE. 

C'est du moins l'amitié qui les offre. 



Compagnons, venez là. Plus prés. Videz ce coffre. 



ACTE II, SCÈNE III. 47 

DEÏDAMIA) i ses soeurs.. 

Mes sœurs, n'oubliez pas, avec vos jeunes ans, 
Qu'un piège sûr est là, caché sous leurs présents. 
Imitons bien Achille et son âme hautaine, 
Et ces marchands de ruse en seront pour leur peine ! 

Bas à Achille. 

Toi, mon maître ! Obéis enfin. 

AC H I L L £ , bas i Deïdamia. 

Mais tu le vois. 
Je suis très-doux. 

DEÏDAMIA, bas à Achille. 

Oui, comme un louveteau des bois ! 

ACHILLE, bas k Deîdamia. — Avec un sourire. 

O femme! 

DEÏDAMIA, bas & Achille. 

Hector n'est pas ici, ni son armée. 

ACHILLE, bas i Deîdamia. 

Hector l — Plut aux Dieux qu'il y fut, ma bien-aimée ! 

Les Princesses se rapprochent d'Ulysse, qui détaille et leur montre 
avec complaisance les présents étalés sur la table. 

ULYSSE, aux Princesses. 

Voici: des thyrses chers à Bacchos, jeune dieu. 



+8 



DEIDÂMIA. 



Des joyaux où reluit la chrysolite en feu, 
Des tambourins légers, des quenouilles fleuries, 
Des peaux de daim où For éclate en broderies, — 

A Lycomède, en lui m3ntrant les armes étalées i côté des joyaux. 

Et ces armes pour toi, d'un curieux travail. 
Où Tairain et Técain sont rehaussés d'émail. 
Car, même vieux, on a Tâme encore occupée 
De tout ce qui charma la jeunesse. 

Tandis que les Princesses admiraient les présents offerts par Ulysse, 
Achille est resté indifférent et distrait. Mais au moment où le roi 
d'Ithaque montre i Lycomède les belles armes qu'il a apportées, il relève 
la tête, puis tout à coup voyant parmi les armes briller la lame d'une épée 
nue, il la saisit et s'en empare avec un cri de joie. 

ACHILLE, saisissant Tépée. 

Une épée ! 

ULYSSE, basàDiomédc, 

Vois comme il a saisi Tépée ! 

DIOMEDE, à Ulysse. 

Et dans sa voix 
Entends-tu la fureur du héros? 



ULYSSE, à Diomède. 



C'est lui ! 



Cette fois, 



DEÏDAMIA, rapidement i ses sœurs. 

Thoé ! Zeuxo ! Perséis ! A mon aide ! 



ACTE II, SCENE II] 



Vite pour dérouter Ulysse et Diotnède, 
Imitez la fureur qui dans ses yeux écloi ! 



II est pris 1 








ACHILLE, loujour 


Jtapi 


Ole à s 




Cl cm 


Kmpli 


m Kp: 




Uneépée! 








PERSÉIS, r' 


ca^, 






Un 


arc! 




THOÉ, 


prtni 


--i 


DEIDAMIA, prcn.i 


iTunc 


"1"' 


Un casque 


! 







Un javelot ! 



Un bouclier brillant d'or ! 



Une lance ! 

DE'iDAMlA. 

Aux champs où le cruel Ares hurle ec s'élance, 
Toi, casque, ton cimier fait planer la terreur ! 



$0 DEIDAMIA. 



Toi, bouclier, ton choc arrête la fureur 
De Fassaillant ! 

THOÉ. 

Ainsi qu'une grenade mûre. 
Dur javelot, tu mords et tu rougis l'armure! 

PERSÉIS. 

Grand arc, tu fais au loin voler des traits épars ! 

ZBUXO. 

Lance, tu fais tomber les guerriers de leurs chars. 
Et la main du héros par toi n'est pas trompée. 

ACHILLE, entraîné malgré lui par la fascination de Vépée . 

Et toi, sainte compagne, épéc, ô chère épée, — 

DEÏDAMIA, basa Achille. 

Tais-toi. 

Haut. 

Mais à quoi bon rêver? Mes jeunes sœurs. 
Nous, qui du chaste hymen goûterons les douceurs. 
Laissons l'airain cruel aux amazones Scythes. 
Pour soulever ce poids elles sont trop petites. 
Nos mains que peut rougir le vent aérien l 

« 

U LY s s E , bas à Diomèdc, avec dépit. 

Diomède, il est dit que nous ne saurons rien. 



ACTE II, SCENE 111. j 

DEÏDAMIA, Il lei iccun, qui ont HfOit ki itma 

qu'ellti jHÎcnt pri«J. ei qui, 

groupées Éuiour de li inblc, idmiieni Ici joymT. 

Voyez ces joyaux d'or Oii luit la chrysoprasel 

DIOMÈDE, biiiUlyiM. 

Pour moi, dans la fureur si juste qui m'embrase, 
Je prendrais le vieillard et les filles, ci tout. 
Et si tu le voulais, ami, car mon sang bout, 
Qu'ils aient Achille ou non comme tu le désires, 
Nous les emporterions en mer, sur les navires ! 

ULYSSE, comcmnt DioniHe. — Am un jourir*. 

Non pas. Je te l'ai dit, nous chassons au filet, 

DEÏDAMIA, 1 Penili. 

Toi, prends ce collier d'or, avec ce bracelet, 

A Jhoi. 

Toi, cetce agrafe. 

A Zcuio. 

El roi, CCS lourds pendants d'oreilles. 
Pareils aux purs joyaux pleins de clartés vermeilles 
Que naguère Aphrodite a reçus de son fils. 

Pour toi, qui parmi nous est la plus sage, Iphis, 

Lui Tendant une quenouille. 

Prends, pour charmer tes yeux où le ciel se reflète, 



S2 DEIOAMIA. 



Cette quenouille, avec sa laine violette ! 

Comme Achille hésite, elle le regaiJe tendrement, et insiste. 

Prends, chère âme. Elle est belle et d'un travail parfait. 

ACHILLE, prenant la quenouille. 

Oui, la quenouille sied aux femmes, en effet ! 

L'épouse diligente, en sa maison tranquille 

Tient dans ses doigts pensifs la quenouille; elle file, 

Et sa laine toujours s'épuise, et le fuseau 

Voltige dans sa main de lys, comme un oiseau, 

Et toujours attentive et sans reprendre haleine 

D'une main diligente elle file sa laine. 

Songeant au cher époux qui d'un pays lointain 

Doit revenir vainqueur et chargé de butin. 

Où remportent les Dieux? Que fait-il à cette heure? 

Peut-être sur le flot qui sanglote et qui pleure 

Son navire penchant sur quelque gouffre amer 

Est encor le jouet des monstres de la mer. 

Ou bien déjà peut-être il court dans les mêlées. 

Terrible et menacé par cent flèches ailées ; 

C'est ainsi qu'elle songe à son époux absent. 

Achille s'anime peu k peu, tandis que les Princesses, penchées vers 
^ lui, tremblen: qu*il ne se trahisse, et qu*Ulysse et Diomëde, espirân*. 
surprendre enfin son secret, l'écoutent curieusement. 

Lui, cependant, couvert du casque éblouissant, 
Il tient son ennemi sous ses yeux, face à face. 



ACTE II, SCENE III. 53 

Il prend ses javelocs ec vise à la cuirasse. 

Brandissant la quenouille comme une arme. 

« Tiens, dic-il, déchiré par l'airain qui ce mord, 
Sens tomber sur tes yeux les ombres de la mort ! 
Tombe, victime offerte à la gloire d'Hélène ! 
Meurs! • 

DIOMÈDE, bas à Ulysse. 

Par les Dieux ! avec sa quenouille et sa laine, 
C'est Achille ! 

ACHILLE, continuant. 

c Meurs donc sous le soleil qui fuit. 
Et les chiens affamés viendront pendant la nuit 
Et te déchireront sous les murailles hautes ! • 

L*Intendante, suivie de^ deux Servantes, est venue parler bas i Deïda- 
mia, qui tout & coup, interrompant Achille, s'adresse & Lycomëde. 

DEÏDAMIA, à Lycomède. 

Mon père, le festin préparé pour tes hôtes 
Les attend, et lassés d'im long voyage, enfin 
Ils pourront à loisir rassasier leur faim 
Et boire les doux vins de nos coteaux prodigues. 

LYCOMÈDE, A SCS hôtes. 

Venez donc. 

ULYSSE. 

Nous avons affronté des fatigues 



s* 



DEIDAMIA. 



Nombreuses, sans quitter Tépée aux clous d'argent, 
Depuis que nous cherchons Achille, en voyageant 
Sur Torageuse mer dans de frôles nacelles.' 
Mais elles ne sont rien, mon hôte, auprès de celles 
Que nous garde là-bas le fier Hector ! 

Tous sortent, excepté Achille qui, en proie à ses pensées, tient tou- 
jours dans sa main la quenouille que lui a donnée Deïdamia. Celle-ci Va 
d'abord suivi des yeux et a semble vouloir aller vers lui; mais comme 
Diomède l'accompagne et lui parle bas, elle se borne à tourner vers 
Achille un regard d'intelligence et à lui adresser silencieusement une 
prière suprême. 



SCENE IV. 



ACHILLE. 

Hector ! 
Toujours ce nom ! Pourquoi me le cacher encor, 
O Dieux } Mais à la fin, dur faucheur des batailles, 
Nous en viendrons peut-être à mesurer nos tailles ! 
Alors, vainqueur sanglant, quand tu serais un dieu, 
Ta tête où l'on croit voir une aigrette de feu, 
Garde-la bien, car moi, dans la rouge tuerie 
J'irai vers toi, j'irai, guidé par ma furie, 
Foulant les morts, et sur tes yeux brillants et clairs 
Mes yeux silencieux lanceront des éclairs, 
Et mes coups tomberont sur toi, comme Torage; 



ACTE II, SCENE IV. 



SS 



Et si quelque immortel ne t'arrache à ma rage, 
Certes le vieux Priam pleurera sur son fils 
Couché dans la poussière, et... 



SCENE V. 
ACHILLE, ULYSSE. 

ULYSSE, jouant la surprise. 

C'est toi, belle Iphis ! 



ACHILLE, à part. 

Ulysse! J'ai pitié de sa ruse inutile. 



ULYSSE. 

Seule! Que fais-tu là? 

ACHILLE. 

Mais, tu le vois, je file 
Ma quenouille. Car c'est ainsi que nous régnons. 
Nous autres. C'est au mieux, si tes chers compagnons 
Ne laissant pas leur glaive amasser de la rouille, 
Le caressent, ainsi que moi cette quenouille, 
Et savent faire mieux que tourner un fuseau ! 

ULYSSE. 

Ils sont braves. Jamais. la peur en son réseau 



$6 DEIDAMIA. 



N'a pris leurs cœurs. Mais quoi! leur bravoure esc stérile, 
Puisqu'ils ne vaincront pas à moins d'avoir Achille. 

Négligemment. 

Du moins on le leur a fait croire. Mais pourquoi 
Ne vaincrions-nous pas sans Achille? 

D*un ton provocant. 

Ce roi 

Qu'il faut chercher partout comme une^eur dans l'herbe, 
Ne me paraît pas être un héro.? bien superbe, 
Et contre les hasards il est trop protégé. 
N'est-ce pas? 

A part. 

Si vraiment c'est Achille que j'ai 
Devant moi, je lui veux dire des choses telles 
Qu'il en sente en son cœur des angoisses mortelles ! 

Haut 

Je le juge peut-être avec sévérité. 

Mais que sais-tu de lui ? Dis-moi la vérité. 

ACHILLE, 

On m'a dit qu'élevé par le rude Centaure 

Dont le pas retentit dans la forêt sonore. 

Sachant faire parler la lyre aux doux sanglots, 

Il manie aussi l'arc et les lourds javelots. 

On m'a dit qu'il franchit en nageant les rivières. 

Et que marchant pieds nus dans la ronce et les pierres, 



» 



ACTE II, SCENE V. 



S7 



Pendant des jours enciers, sur le noir Pélion 
Il frappe de ses traits les bêtes fauves. 



ULYSSE. 



On 



T'a trompée. 



ACHILLE 



On m'a dit qu'effrayant les rivages, 
£t que, retentissant dans les roches sauvages 
Ainsi que les clameurs d'Hercule sur l'CEta, 
Ses cris faisaient trembler les lions même. 



ULYSSE. 



On t'a 



Trompie. 



ACHILLE. 



On m'a dit, — et ceci n'a rien d'étrange, 
Que sa massue atteint les hydres dans la fange, 
Et que ses traits, volant au fond des cieux déserts, 
Déchirent les oiseaux carnassiers dans les air3 ; 
Mais que son âme, encor de ces jeux occupée. 
Aspire à de plus durs combats. 

U LY S S E , avec une feinte bonhomie. 

On t'a trompée. 
Sais-tu ce qu'est Achille? Un jeune homme pareil 



S8 



DEIDAMIA. 



Aux femmes, dont les yeux onc peur du graad soleil, 
Ec qui, mectanc ses soins à chercher sa parure, 
Vit pour tresser des fleurs avec sa chevelure. 



Achille ! 



ACHILLE, indigné. 



ULYSSE. 



On peut le voir de son repos jaloux. 



ACHILLE , de même. 



Lui! 



ULYSSE, d'un ton méprisant. 

Celui que tu prends pour un chasseur de loups, 
Rien qu'en voyant un cerf léger, tremble et s'effraie ! 
Le zéphyr, un oiseau qui chante dans la haie 
Lui font peur, et qui veut rire de ses effrois 
.J^'a qu'à le regarder bien en face. 

ACHILLE, furisux, et prêt à s'cUncer sur Ulysse. 

Tu crois ? 

ULYSSE, froidement. 

J'en suis sûr. 

ACHILLE, se contenant. 

Alors c'est que la chose est possible. 

ULYSSE, ai plus en plus provocant. 

Mais Achille un tueur de monstres, c'est risible ! 



•►••fS*^ 



ACTE II, SCEN E V. 



S'J 



ACHILLE. 



En effet ! 



ULYSSE, à part. 

Sous le fouet cinglant, tu bondiras ! 

Haut. 

Avec des bracelets de femme sur les bras, 
Achille à ce moment, dans une île lointaine 
Dort, comme un chien fidèle, aux pieds de quelque reine 
Qui le regarde, et puis se remet à chanter. 

AC H I L L £ , à part. Avec dédain. 

Ce roi subtil en a trop dit pour m'irriter. 

Haut. Avec ironie. 

Je te crois. Et d'ailleurs, que nous importe ? Achille 
Est bien ce que tu dis. La servante qui file, 
La colombe, un agneau de trois jours, ébloui 
Par la lumière, sont plus terribles que lui. 
Aux pieds de quelque reine amoureuse, épris d'elle 
Ce prétendu héros dort comme un chien fidèle. 
Heureux, vil, et n'ayant des Dieux aucun souci ! 
Roi, j'en tombe d'accord. Mais s'il en est ainsi, 
Crois-moi, ne songe plus à tenter une attaque 
D'ilios. Va soigner tes poiriers dans Ithaque. 
Va revoir ton porcher Eumée et ton berger, 
Et ton père, le vieux Laërce, en son verger. 



Ne prive pas de coi la sage Pénélope ! 

Car Troie avec ses cours que la nue enveloppe 

S'élèvera toujours vers le ciel radieux, 

Si les héros sacrés sortis du sang des Dieux, 

Lorsqu'aucour d'eux la guerre a déchaîné sa rage, 

Courbent vraiment leur tête ainsi que sous l'orage 

Se courbent les épis, espoir du moissonneur, 

Et si vraiment Achille esc un lâche, seigneur ! 

Crois-moi donc. Va revoir ton Ithaque stérile. 



Mais pardon, j'oubliais ma quenouille. 



SCENE VI. 
ULYSSE, DIO.MÈDE. 



Est-ce Achille ? 



ULYSSE, comme frappé d'uotinipiwiioBsouJ.ine, 

C'esc lui ! Le soleil sur sa chevelure d'or 
Flamboyait. Dans ses yeux j'ai vu la mort d'Hector. 
Oui, moi-même, — Ilios, tremble dans tes murailles I — 



ACTE II, SCENE VI. 



r>i 



Je romprai le filet aux invisibles mailles 

Où le cruel Amour le tient captif. Alors 

Tremble, ta gloire ancienne et tes espoirs sont morts ! 

Avec lui le divin héros sur les nefs noires 

Amènera le chœur palpitant des Victoires, 

Et leurs ailes battront dans le souffle du vent ; 

L'Epouvante et THorreur sur son casque mouvant 

Frissonneront, hurlant d'une voix inconnue, 

Car Athène, pareille à l'éclair de la nue 

Qui de Forage noir s'élance vif et prompt, 

Volera, furieuse, au-dessus de son front ; 

Et les Dardaniens sentiront leur désastre 

Naître et grandir, lorsqu'ils verront, ainsi qu'un astre. 

Dans le combat ardent, sombre et démesuré. 

Ses armes resplendir sous le ciel azuré ! 

Ulysse et Diomède entrent dans le paUis. Le rideau tombe. 





ACTE TROISIEME. 



Même décor qu'aux actes précédents. — Au lever du rideau, Ulysse 
assis et la tctc appuyée sur sa main, semble suivre sa pensée. 



SCENE PREMIERE. 
ULYSSE, puis DIOMÈDE. 



ULYSSE, seul. 



O divine Achènè, coi qui dissipes l'ombre, 
Toi donc l'œil de hibou reluic dans la nuic sombre, 
Grâce à coi, je vais rendre un héros en effec 
A la clarcé du jour ! 

A Diomédc, qui entre. 

DiomMe, as-cu faic 
Venir Argyrte, avec sa crompecce ? 



DIOMEDE. 



Moi-même 



ACTE III, SCÈNE I. 6} 

Je l'ai caché. Le lieu convient au stratagème. 
Sur le rivage, près d'ici, baignés des flots, 
Sont de grands rochers noirs, effroi des matelots, 
Dont ils brisent souvent les nefs dans leurs mâchoires. 
Leurs flancs sont déchirés par des cavernes noires 
Où se plaint un écho répété mille fois. 
Retentissant, et si sonore que nos voix 
Parmi ces rocs géants et convulsionnai res 
Roulaient avec le bruit affreux de cent tonnerres. 
Certes, lorsqu'en ce lieu sinistre et souterrain 
Argyrte embouchera la trompette d'airain. 
On verra s'enfuir F aigle ainsi que la colombe, 
Et les morts pourront bien s'éveiller dans leur tombe ! 
Un chant accompagné par la lyre, sera 
Le signal; et sitôt qu'Argyrte l'entendra 
Résonner ici, car cette caverne est proche, 
Vite, le bruit affreux courra de roche en roche. 
Mais, dis-moi, penses-tu qu'Achille, cette fois. 
Se prenne à notre ruse ? 

ULYSSE. 

Oui. Lorsque cette voix 
Horrible de l'airain, mille fois répétée. 
Frappera de terreur son âme épouvantée, — 
Car alors il craindra pour Deïdamia 



<5* 



DEIDAMIA. 



Et pour ses jeunes sœurs, -^ lui que rien n effraya, 
Tu le verras paraître avec le front d'Achille 
Sous son déguisement à cette heure inutile, 
Et nous écartant tous pour s'ouvrir un chemin, 
Chercher fiévreusement une arme sous sa main. 

Montrant une cpée, placée sur U table. 

Et c'est pourquoi d'ailleurs, j'ai mis là cette épée. 

DIOMÈDE. 

Puisse-t-il donc, laissant sa parure usurpée, 
Se relever héros, pour briser les genoux 
Des Troïens abhorréi ! 

ULYSSE.. 

Mais on vient. Taisons-nous. 



SCENE II. 

ULYSSE, DIOMÈDE, LYCOMEDE, 

ACHILLE, DEÏDAMIA, 

THOÉ, ZEUXO, PERSÉIS. 



LYCOMEDE, à Ulysse et à Diotnèdc. 

Rois, nous aurions voulu que, laissant fuir les heures, 
Il vous plût de rester en nos pauvres demeures; 
Mais, puisque nos désirs de vous garder sont vains. 



ACTE 111, SCÈNE tl. 6s 

Et puisque vous voulez nous quitter, ô divins ! 
Jusqu'à la vaste mer, pour voler aux victoires, 
Vos hardis compagnons ont traîné nos nefs noires; . 
Et j'ai voulu moi-même embarquer sur ces nefs 
Cent guerriers commandés par d'invincibles chefs, 
Et, pour vous soutenir dans VOS maux devant Troie, 
Les présents que mon cœur vous destine avec joie. 
On a dressé les mâts et placé les agrès : 
Donc, vous pouvez, amis, nous quitter sans regrets. 
Et chercher vers des cieux lointains d'autres étoiles, 
Puisque le vent docile enfle vos blanches voiles, 
Et vous pousse déjà vers l'orageuse mer. 



O Roi, toujours l'instant de partir est amer. 
Il nous eût été doux de demeurer tes hAtes 
Et de rester longtemps dans tes demeures hautes I 
Mais, outre que les chefs Achéens chaque jour 
S'irritent, demandant aux Dieux notre retour, 
La prudence aujourd'hui rend nos âmes ingrates. 
Les Phrygiens, ô Roi, sont de hardis pirates, 
Peut-être qu'un vaisseau nous a suivis de loin, 
£t,qui sail^ — la nuit sombre csi un muet témoin! - 
Vtat-tov qu'il nous guette aux abords de cette île. 
Ces Phrygiens tua Yime impie et mercantile ; 



66 DEIDAMU. 

Jadis ils aciaquaieni, en voleurs arrc^ints, 

Les vaisseaux dispersés, jouei des ouragans; 

Mais à présent, glissant ainsi que des repciles 

Sur la mer, on les voit débarquer dans les iles. 

Ils prennent pour butin ce qu'ils peuvent trouver, 

Mais surtout, leur plus grand bonheur est d'enlever 

Des vierges aux beaux fronts, dont ils font leurs captives. 

Or, dés que ces bandits abordent sur nos rives. 

Par bravade et fureur, déchirant l'air serein, 

Ils embouchent sans peur leurs trompeices d'airain. 

Dont le tumulte éclate avec un bruit sauvage. 

ACHILLE , en proie ^ une liic inolioa. 

Ils oseraient, dis-tu, venir sur ce rivage ! 
Ces Phrygiens! 

ULYSSE, 1 AtWIle. 

Non. Car par des périls nouveaux 
Nous leur imposerons d'assez rudes travaux 
Pour qu'ils aient à vcillerj laissant dormir les rames. 
Sur leurs propres maisons et sur leurs propres femmes. 
C'est pourquoi nous partons. 

THOÉ. 

Qu'un vent propice et doux 



ACTE III, SCÈNE II. 



67 



ZEUXO. 

Que nul pressentiment jaloux 
Ne trouble vos chers cœurs ! 

PERSÉIS. 

Et qu'un dieu même ailé ge 
Le vol éblouissant de vos voiles de neige ! 

DIOMEDE. 

Sans doute de tels vœux doivent nous protéger. 

Mais Tennui du départ nous sera plus léger, 

O vierges, en quittant ce Roi qui nous honore, 

Si Tune de vous prend la cithare sonore 

£t nous dit quelque chant ailé, dont la douceur 

Nous charme, et soit pour nous ce qu'est pour le chasseur 

Fatigué, le ruisseau qui murmure et soupire ! 

LYCOMÈDE, à Achille. 

Chante, mon Iphis, toi qu'Apollon même inspire ! 



Moi! 



ACHILLE. 



LYCOMEDE 



Ta voix rafraîchit mon vieux cœur altéré. 



ACHILLE. 



Moi, seigneur ! 



68 



DEIDAMIA. 



DE ÏD AMIA , bas & Achille. — D*une voix dressante. 

Obéis ! 

ACHILLE, haut. 

C'est bien. Je chanterai. 

LYCOMÈDE, ÀDeîdamU. 

Toi, Deïdamia, viens ici. Prends la lyre. 

Tandis que tous se groupent autour d*Achille et de Deldumia, Ulysse 
entraine Diomède à Técart et lui parle bas. 

ULYSSE, basa Diomède. 

Voici l'instant. Sitôt qu'Achille, en son délire, 

S'enfuira, va, suis-le. Trouble son cœur sans frein ! 

Toi-même, attache-lui la tunique d^airain 

Et le casque mouvant. Que la fureur guerrière 

Le prenne, et que Thétis elle-même soit fière 

De voir rougir le front menaçant de son fils ! 

DIOMÈ DE, bas à Ulysse. 

Ami, je le suivrai. 

ULYSSE, haut i Achille. 

Nous t'écoutons, Iphis. 

ACHILLE, chantant. 

Oh ! protège les nefs rapides^ 
Thctisj dcejfe au peplos bîeu^ 



ACTE III, SCÈNE II. Cj 

Qui dans l'ajur des Jiots fplendidei 
Béfiickis U fohil de feu ! 
Tous les Dieux j que le ciel eMeure, 
Dèfiraient ta belle demeure . 
De clairs faphirs et de coraux : 
Tous, ils Cadreffaient leur prière; 
Mais toi, dans ion âme guerrière 
Tu leur préféras un héros ! 
On «tenJ un bruii de Iromptii» J'aborJ confus ci comme ttaaBé. 
Achille interrompt son ch»l et dit d'une voi. ii\i imue et infuiilc ; 

Mais qtiel esi donc ce bruir effrayant ? 

ULYSSE, raaurinT Achille. 

Chante encore. 
Ce n'est rien'. C'est la mer qui gourmande à l'aurore 
Les blancs coursiers d'écume et les cruels typhons, 
Et qui hurle d'horreur dans ses gouffres profonds. 



Car le héros en fa démence 
Est l'image du Jlot amer! 
Pareil dans la mêlée immenfe 
Aux fureurs de la vafle mer, 
Il court, femblant avoir des ailes; 
Et parmi les pèches mortelles 
Riant à l'airain gui le mord. 
Il va, la main de fang trempée, 



DEIDAMIA. 



Cherchant le baifer de l'épie 
Et la careffe de h mon ! 



J'iponv 



riippi. d 



Écoutez ! Ce sont eux ! Par quelque affreux prodige 
Ils sont venus! Ce sont les Phrygiens, vous dis-jeî 
O Deïdamia I sur toi, sur vous, mes sœurs, 
Ils oseraient porter leurs mains, ces ravisseurs ! 

«et nnc Jlprt loit. 

Une épée ! 

ULYSSE, fcigoantdt vouloir releair A.-bUle. 

A quoi bon ta fureur indocile, 
Pauvre Iphis! 

ACHILLE. 

Laisse-moi passer. Je suis Achille I 



ULYSSE, LYCOMÈDE, DEÏDAMIA, THOÉ, 
ZEUXO, PERSÉIS. 



ACTE III, SCENE III. 71 

LYCOMÈDE^ résolûmeat. A Ulysse. 

Oui c'est lui. 

A Deïdamia. 

Mais rassure-toi d'abord, 
O mon enfant. Pour ces clairons sonnant la mort, 
C'est là, je le devine, une ruse d'Ulysse. 
Mais, quoique sa fureur lui serve de complice, 
Achille, ton époux, vers les bords Stygiens 
N'envoie en cet instant nuls voleurs Phrygiens ; 
Car nul d'entre eux n'accourt vers mon seuil vénérable. 

A Ulysse. 

N'est-ce pas, Roi? 

Ulysse garde le si 

Si j'ai d'un front impénétrable 
Accueilli tes soupçons, dès le premier moment 
Je connaissais Achille et son déguisement. 
Mais un ordre divin, me faisant violence, 
Me contraignait alors à garder le silence. 
Car, voyant mes cheveux du poids des ans chargés, 
Avant que les Troïens par Achille égorgés 
Ne tombent dans la plaine, offerts aux loups voraces, 
La déesse Thétis pour mêler nos deux races 
Elle-même a quitté les flots mélodieux, 

ULYSSE. 

Ne nous opposons pas à ce que font les Dieux ! 



DEÏDAMIA, Ji Ulysu. 

Roi, ton esprit en mille inventions fertile 
Se réjouit. Enfin tu le tiens. C'est Achille. 
Oui, c'est bien lui. Voilà ton regard rayonnsuit, 
Et eu dis : ( Il ne peut m'échapper maincenaat. > 
Lorsqu'un homme te fait obstacle, tu l'abuses, 
O Roi subtil, avec d'irréprochables ruses ; 
Et, s'il le faut, tu sais mentir avec douceur 
Même à des vieillards. Tel dans les bois le chasseur 
Vient par l'étroit sentier res[é dans sa mémoire 
Et se glisse en rampant vers la caverne noire 
Que le feuillage épais couvre d'un vert manteau. 
Puis emporte en ses bras tremblants le louveteau, 
Et frémit de plaisir en songeant que la mère 
Hurlera tout à l'heure en sa douleur amère, 
Tel tu te dis : i Ma proie est là. J'ai réussi. 
Je l'emporterai. ■ Mais la louve était aussi 
Dans l'antre! Elle n'est pas endormie. Elle veille. 
Tu n'éviteras pas sa prunelle vermeille. 
Elle te guette. Vois ses yeux fixés sur toi. 
Voilà tout, n'est-ce pas? Tu veux Achille. O Roi 
Très-subtil, viens donc, si tu t'en sens le courage, 
L'âier à mon amour, et le prendre à ma rage ! 

ULYSSE. 

Le Destin nous terrasse, il est plus fort que nous. 



ACTE III, SCÈNE IV. 



7J 



Oui, Deïdamia, tu pleures ton époux 
Et la haine frémit sur ta lèvre de rose ; 
Mais tu le céderas peut-être à quelque chose 
De plus haut et de plus divin que ton amour ! 

Achille en costume guerrier, couvert d'armes étincelantes^ entrj 
appuyé sur Tipaule de Diomède et s'avance vers le Roi. 



SCENE IV. 

ULYSSE, LYCOMÈDE, DEÏDAMIA, 

THOÉ, ZEUXO, 

PERSÉIS, ACHILLE, DIOMÈDE. 



ACHILLE, à Lycomide. 

O mon père, je crois revoir l'éclat du jour 
Pour la première fois, en sortant du mensonge 
Comme un captif qui sort d'un cachot, et se plonge 
Avec ravissement dans l'air silencieux ! 
Je m'enchante à sentir frissonner sous les cieux 
Mon aigrette, et je songe aux sanglantes aurores 
En entendant le bruit de mes armes sonores. 



DEIDAMIA. 



Hélas! 



ACHILLB^ allant k Deïdamia et la prenant dans ses bras. 

Ne pleure pas, ma Deïdamia ! 



Car il ne peut mourir, l'amour qui noua lia, 
El tu vas avec toi garder plus que moi-mâme, 
Puisque tes yeux verront le doux Néoptoléme, 
Cependant que j'égare au loin mes pas errants. 
Conserve en toi mon souffle et ma pensée, et prends 
Mon âme, i ce moment suprême où je t'embrasse ! 



Sois digne de ta mère, et digne de ma race ! 

Car je ne puis, vieillard dont s'éteignent les jours, 

Porter dans IlLos environné d; tours 

Le carnage et le choc horrible des armures, 

Avec les Achéens aux belles chevelures ! 



Moi, j'irai ! Car en moi, ton fils jeune et vainqueur, 

Revivront ta jeunesse intrépide, et ton cœur! 

Roi, lorsque tu parais, blanchi, devant ces portes. 

Tous s'inclinent devant le sceptre que eu portes ; 

Tout ce que je ferai, c'est toi qui le feras : 

Ta force redoutée auîmera mon bras, 

£t ceux qui me verront, st ton souvenir m'aide 

Au combat, diront : • C'est un autre Lycomède ! • 

Car l'amour du p^dl, âpre et délicieux, 

La bravoure qui fait briller mes sombres yeux 



ACTE III, SCÈNE IV. 75 

Et l'orgueil inflexible et fier que je savoure 

En moi, c'est ton orgueil, père, et c'est ta bravoure ! 

A Ulysse et à Diomède. 

Et maintenant, déjà s'enflant et se levant. 
Nos voiles doucement frémissent dans le vent ; 
L'air est pur, je me sens plein d'un espoir céleste ! 
O mes amis, partons. 

DEÏDAMIA, s*attachant aux pu d'Achille. 

Non, je ne veux pas. Reste. 
Ce que tu vas chercher là-bas, c'est le trépas ! 
Je garde mon trésor. Je ne te donne pas 
Au carnage, qui souffle avec sa froide haleine. 
Que nous font les amours de cette fauve Hélène ? 
Que nous importe si Paris, folle d'amour, 
L'emporta, cependant qu'à la chute du jour, 
La petite Hermione, avec des cris sauvages, 
En se tordant les mains courait sur les rivages } 
Un Atride n'a pas su conserver son bien 
Dans sa demeure ? moi, je veux garder le mien. 
Que cette Hélène fasse un brasier de l'Asie I 
Et que la haine, au lieu d'un souffle d'ambroisie. 
S'exhale de sa bouche et de ses blonds cheveux ! 
Que tous la suivent! moi, y y consens. Je ne veux 
Lui disputer qu'Achille et que Ncoptolème. 
Tu ne partiras pas. Je ne veux pas. Je t'aime ! 



Ma mare, donc l'encens blanchie les purs autels, 

Me Ta die : scu! parmi tous les hommes mortels 

Qui servent de jouet aux Parques obstinées, 

J'ai le droit de choisir encre deux destinées. 

Oui, si je vais à Troie, où le deuil eSrayanc 

S'apprête, je mourrai tout jeune, mais ayant 

Fait de nombreux travaux ; jusqu'à l'heure derniire, 

Conducteur de chevaux à Ja blonde crinière. 

Ayant pris et conquis de mon bras souverain 

De l'argent et de l'or et des trépieds d'airain. 

Je mourrai, comme il sied à des Rois que nous sommes. 

Faisant voler mon nom sur les bouches des hommes. 

Et n'ayant plus en moi rien à purifier; 

Car cecie Hélène à qui je veux sacrifier 

La vie, avec raison tant chérie et vantée, 

Ce sont les Dieux, et c'est la patrie insultée ! 

Et mon renom splendide et pur de loue affront 

Servira de parure éternelle à ton front; 

Les chanteurs, dont le cœur répugne aux choses viles. 

Chanteront mes combats merveilleux dans les villes; 

Et quand tu passeras, la £erté sur le front 

£t l'orgueil dans les yeux, les laboureurs diront 

En promenant le soc dans la terre fertile : 



ACTE III, SCÈNE IV. 77 



• Voilà celle qui fut la compagne d'Achille ! ■ 
Je puis aussi, les Dieux l'ont permis, vieillir dans 
Un palais, concenc, vil, infâme, accablé d*ans. 
Accessible à la peur hideuse qui nous dompte, 
Puis mourir enfin, plein de vieillesse et de honte ; 
Et quand ton fils pourra soulever de sa main 
Le sceptre d'or, s'il passe un jour dans un chemin. 
Tous les hommes, qu'il veuille ou non remplir sa tâche. 
Diront : • Voilà le fils de ce Roi qui fut lâche ! » 
Et les vierges enfants aux rires querelleurs 
Qui vont d'un pas léger sur les coteaux en fleurs. 
Et dont le front est gai comme un matin de fête. 
Avec un dur mépris détourneront la tête. 

DEÏDAMIA. 

Vois, ami, je t'écoute et ma lèvre sourit. 

Car ton souffle est entré vivant dans mon esprit. 

Va combattre et mourir ! Cette route est la tienne. 

Les fils des Dieux n'ont plus rien qui leur appartienne. 

Et, prêts à succomber dans leur jeune saison, 

Ils n'ont pas de famille et n'ont pas demûion. 

Prenant leurs jours, amsi qu^une amante jalouse, 

La Patrie au divin sourire est leur épouse. 

La gloire est le seul bien de quiconque est né roi, 

Car celui-là se doit à tous, et c'est poiinquoi. 



gi ONia A<BîdS